
Pour qui suit avec un œil et une oreille avertis les messages que diffusent journellement les médias du système, il est évident, Sire, qu’on prépare le bon peuple à cette nouvelle exigence de la particratie : des excuses royales adressée au Congo !
Il est évident, pour commencer, que les excuses de Votre Majesté sont attendues sans plus d’atermoiements funestes, par tous les congolais, tous les Africains et finalement par le monde entier pour les crimes de votre arrière-arrière-grand-oncle. (Crimes qu’il n’a jamais commis, nous sommes bien d’accord, mais là n’est pas l’important.) L’important ce sont les excuses de la Belgique à travers la personne qui l’incarne, c’est-à-dire son roi, c’est-à-dire Vous. Excuses de la Belgique pour avoir fait d’un pays gigantesque, 80 fois plus grand qu’elle, et vivant encore à la fin du XIXème siècle, à un niveau de civilisation quasi préhistorique, à 99% analphabète, régulièrement décimé par d’incessantes luttes tribales d’une rare sauvagerie, par les razzias monstrueuses des Arabes esclavagistes et par des maladies endémiques, excuses évidentes pour en avoir fait le pays le plus prospère d’Afrique, doté de lois, d’une petite mais glorieuse armée, d’une police et de tribunaux efficaces, d’un réseau complet d’écoles depuis la maternelle jusqu’à l’université, de centres médicaux et d’hôpitaux modernes, d’aérodromes, de chemins de fer et de routes, de cultures et d’élevages florissants et d’une infrastructure industrielle que le monde lui enviait. Doté également d’un réseau de paroisses pour en faire un des grands pays de la chrétienté. Et tout ceci, quelle honte, mais quelle honte, tout ceci en à peine 60 ans !
Reconnaissons-le donc avec franchise et cette honte au front : une telle performance tant elle est inouïe, ne peut que représenter un traumatisme profond pour les congolais d’aujourd’hui. D’une part pour les malheureux habitants dont le pays est en ruines, mis en coupe réglée depuis des années par des compagnies interlopes qui sont les pirates du XXIème siècle et qui agissent avec la complicité active des chefs actuels, ou directement pour eux et pour leur clan. Imaginons l’horreur pour ces gens de devoir ce souvenir que si belle était la vie dans leur patrie avant son indépendance ! C’est insoutenable !
D’autre part, la Belgique doit des excuses à la population congolaise et aux « descendants congolais », qui se sont installés chez nous pour éviter très intelligemment de devoir risquer leur confort si pas leur vie dans leur pays d’origine. Imaginez ce que doit être pour ces enfants du Congo, la culpabilisation omniprésente chez nous où à chaque carrefour ils risquent de se retrouver face à face avec un monument à la gloire de notre formidable action coloniale. Ces monuments qui leur disent sans vergogne : « Ton pays que tes pères et les nôtres ont bâti ensemble, ton pays est en train de mourir et… que fais-tu pour lui ? » C’est inhumain, et votre Majesté le comprendra très bien tout en montrant sa grandeur d’âme et en conseillant donc à chaque municipalité belge de déboulonner, de dé-nommer, d’effacer tout ce qui pourrait encore faire penser à cette horrible et terrible époque de la splendeur de la colonie.
Mais ces excuses sont aussi et surtout attendues d’une manière plus large et plus profonde, par tous nos glorieux progressistes et particrates de tous bords qui sont obligés de tolérer depuis tant d’années et de lutter pied à pied contre un régime qu’ils exècrent. Notre géniale monarchie constitutionnelle qui garantit bien trop de liberté au peuple, en respectant son identité et son histoire leur est insupportable car ils connaissent, eux, nos vrais besoins et ont donc, eux, le devoir de nous les imposer. Pour ceci ils doivent casser les structures sociales traditionnelles du pays, ils doivent détruire la famille, règlementer toutes nos activités, éduquer nos enfants, relativiser toutes nos valeurs et ringardiser toutes les vertus. Dans ce combat, un roi, tête intouchable de la nation, symbole de son unité, du patriotisme et du service gratuit au pays, leur est une cible prioritaire. Ayant l’outrecuidance de rester à chaque jour de son règne le garant vivant d’une Belgique unie, s’il pousse le mauvais goût jusqu’à épouser une femme épatante et fonder une famille nombreuse épouvantablement exemplaire, rien ne doit lui être épargné. Qu’il présente donc au plus vite des excuses pour se faire pardonner l’infamie indiscutable de son arrière-arrière-grand-oncle, de ses amis colonisateurs, et de tous ces « anciens belges » qui, monstrueux libéraux ou sales conservateurs bien souvent catholiques, ne montrent encore à ce jour, aucune contrition.
Pour tous ces gens et toutes ces excellentes raisons, la Belgique « de papa », son histoire improbable et ses traditions ridicules, et donc ce roi qui les incarne, doivent connaître leur malheur.
Pour tous ces gens et toutes ces excellentes raisons, vous comprendrez bien, Sire, que, ne pouvant pas encore vous destituer, ils exigent de vous de présenter des excuses.
Et nous, nous en rirons pour ne pas en pleurer.