Notre drapeau est noir-jaune-rouge.

Le 16 juillet 1951 nous étions en famille sur la place des palais. J’avais quatre ans et on m’avait dit : « regarde bien, tu vois le grand balcon ? Et bien le roi va y venir avec le prince Baudouin ». Je regardais de tout mes yeux par-dessus les épaules des adultes qui se pressaient devant de nous, et j’apercevais tout juste une belle balustrade qui couronnait la coupole du palais où flottait un grand drapeau tricolore. Le roi allait donc monter là-haut !

Mon frère et moi tapions des pieds en rythme sur les grandes dalles de pierre bleues du trottoir du parc royal, en scandant à pleins poumons les slogans que nous entendions autour de nous : « Léopold au balcon – Léopold au poteau – Léopold au balcon ! » Nous n’avions pas la moindre idée de ce que cela voulait dire mais l’excitation palpable des grandes personnes nous amusait énormément. Puis, les cris redoublèrent et j’eus beau écarquiller les yeux pour voir ce qui se passait, personne n’apparut à la balustrade au-dessus de la coupole. Ce ne fut qu’en voyant le lendemain les photos des journaux que je compris que tout se passait au grand balcon du premier étage. J’étais donc sur place au moment du geste historique de Léopold III présentant son fils au peuple. Ce geste m’a poursuivi dans nos livres d’histoire durant toute mon enfance, et jamais je n’ai avoué à l’époque que, beaucoup trop petit, je n’en avais rien vu.

Il m’en est cependant resté une image, définitivement imprimée dans ma mémoire comme celle de mon premier moment de patriotisme, celle de ce grand drapeau noir, jaune, rouge flottant au sommet du palais du roi.

Ces derniers jours, grâce aux performances remarquables de l’équipe belge de football, nous avons vu le pays se couvrir spontanément de tricolore comme cela ne lui était jamais arrivé. Cet élan, remarqué de tous, me réjouit d’autant plus qu’il intrigue les politologues incrédules. Ne vous méprenez pas, nous disent-ils, ce n’est qu’un engouement passager qui va retomber de suite maintenant que la fête est finie et que le pays retrouve la réalité de nos difficultés politiques.   Je souris de leur empressement à éteindre les lampions des enthousiasmes populaires qui contredisent toutes leurs brillantes élucubrations, car à bien y réfléchir je pense qu’il y a bien plus de « réalité » dans la chaleur de cet élan national que dans les constructions artificielles que nous ont imposées les ambitions partisanes lamentables de la particratie.  Si ces « entités » politiques représentaient la « réalité » du vécu populaire, nous aurions dû voir fleurir un peu partout le sinistre lion noir et le pénible coq rouge. Et nous n’en avons pas vu le bout de la griffe ou de l’ergot d’un. Au contraire, nous avons vu jusqu’aux confins du pays refleurir sans complexe, comme un immense et joyeux appel d’air frais, les couleurs nationales.  Bien entendu les lampions vont s’éteindre et nous ne reverrons plus beaucoup de joues bariolées ou de rétroviseurs habillés durant les semaines avenir, et même probablement trop peu pour le 21 juillet qui vient. Mais une chose est évidente aujourd’hui, qui va déranger les partisans du «pays artificiel formé de deux cultures», c’est qu’au moindre événement fédérateur (ici le sacro-saint foot) c’est l’identité belge historique qui éclate,  partout avec autant de force,  bien au-delà des frontières de la langue, et dans nos trois couleurs.

Nos politiciens pourront bien continuer à nier nos racines et la vérité de notre histoire, l’enthousiasme populaire spontané vient une fois de plus de dénoncer leurs mensonges. Notre identité première est belge, elle est portée par notre drapeau tricolore. Jusques à quand allons-nous accepter de gaspiller argent,  énergie et bon sens à nous en inventer d’autres et à en forcer la culture ?

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