Le bon mondialisme est celui de la… Proximité.

En ces jours de suspense électoral où nos voisins français jouent leur avenir, et donc un peu celui de l’Europe et le nôtre, on entend beaucoup de puissantes considérations sur ces « populistes » dont on guigne les voix et qui dénoncent le mondialisme et l’Europe, en pleurant sur une souveraineté perdue.

Il y a pourtant quelque chose d’extraordinairement vain dans l’attitude de ceux qui fustigent le mondialisme. Comment, en effet, ne pas considérer l’évolution formidable des communications qui a réduit la planète à la dimension de notre poche, comme un incontestable et fantastique progrès, pour le plus grand bien de l’humanité ? La dimension mondiale est aujourd’hui à la portée instantanée de chaque citoyen des pays développés et de chaque entreprise. Ce qui était encore un rêve délirant pour nos parents est maintenant un outil banal à la disposition de nos enfants. De cette mondialisation accélérée des échanges, découle une accélération mondialisée des progrès technologiques. On ne peut que s’en réjouir car les échanges et l’information sont aussi les premiers et les meilleurs gages de la paix.

Ceci dit, il est tout aussi incontestable que la manière dont certains utilisent les possibilités offertes par ces dimensions nouvelles pose question et que les barrières de protection que dressaient les nations avaient leur utilité. Le monde sans garde fou peut, à raison, inquiéter le bourgeois et les espaces de non-droit qu’il ouvre aux pirates du XXI ème siècle posent de douloureuses questions.

On peut sans doute reconnaître que la désorganisation des institutions et des marchés due aux libertés nouvellement ouvertes à chacun, permet, à ce jour, des abus inacceptables et que le droit, comme son respect, ont de la peine à suivre la rapidité des progrès en tout genre.

Par contre, le réflexe interventionniste malheureusement ancré dans les esprits auto-proclamés « démocratiques » ou « progressistes », tire de la crainte du chaos la justification de toutes sortes d’excès de normes nouvelles et de nouveaux « machins » (comme disait de Gaulle) aux lourdeurs liberticides tout aussi mondiales que les risques d’abus qu’ils prétendent contrer. C’est ceci qui permet aux démagogies simplistes de montrer la « mondialisation » du doigt et en faire le bouc émissaire de toutes les insatisfactions populaires.

Que ce soit l’interventionnisme de gauche ou le simplisme populiste, aucune des deux pistes ne me semble la bonne, toutes deux mènent à un déficit démocratique évident et à une inadéquation des structures à la volonté des citoyens. La solution, face à ces deux erreurs, ne me semble pas non plus devoir être trouvée dans un hypothétique « juste milieu ». Ce n’est pas en se situant à équidistance de deux erreurs qu’on se retrouve dans le vrai.

La solution est un projet nouveau qui doit garantir structurellement la « démarchie » (le pouvoir au peuple) que je préfère parfois à la « démocratie » (le pouvoir aux représentants du peuple).

Ce projet doit reposer sur un principe, un fondement structurel : la proximité.

Il faut ramener le pouvoir au plus près possible du citoyen adulte et responsable. Nous avons la chance que les progrès technologiques permettent ce rapprochement, cette décentralisation démocratique ; profitons-en plutôt que de les utiliser à toujours plus de centralisme, d’uniformisations et de standardisations.

Il faut donc mettre en application le principe de subsidiarité en favorisant à chaque échelon de pouvoir le plus local par rapport au plus central.

Le véritable choix politique, la réflexion première est donc  de déterminer « constitutionnellement » ce qui doit être confié au pouvoir public par rapport à ce que chaque citoyen, chaque famille, chaque association peut très bien réaliser en toute liberté. Et puis déterminer ce qui peut parfaitement être réglé par le pouvoir le plus local : la commune, la municipalité, qui doit conserver tout ce qu’il est possible de régler au niveau local. Puis ce qu’il faudra bien confier à un pouvoir plus large : provincial, régional, national, ou encore européen. Enfin ce que des traités doivent confier à des instances mondiales.

Pour que chaque échelon intermédiaire soit responsable et démocratique, quatre éléments me semblent indispensables :

  • un pouvoir politique précis,
  • un budget propre,
  • le pouvoir fiscal utile à ses missions,
  • un contrôle démocratique  de l’ensemble.

Prenons un exemple aujourd’hui caricatural : si vous comparez le statut de l’Europe « de Bruxelles » à ces critères, vous constaterez qu’elle ne répond à aucun des quatre :

1.  Ses compétences politiques sont parfaitement floues et elle s’occupe d’une multitude de matières dont on ne voit pas la justification.

2.  Elle ne dispose pas d’un budget propre défini en fonction de ses missions.

3.  Pas plus qu’elle ne dispose de pouvoir fiscal adéquat.

4.  Enfin le contrôle démocratique sur son action est d’une faiblesse inacceptable (pour un coût maximum !).

Il est facile de comprendre que, dans ces conditions, l’Europe ne peut pas fonctionner à la satisfaction du peuple qui, rappelons-le, est sensé être souverain.

Pour résumer notre pensée, nous dirions qu’il est temps que les nations renoncent à cette fameuse souveraineté qui n’est plus qu’un mythe à ce jour, mais qu’elles y renoncent non pas au profit de grands ensembles trop lourds et fatalement irrespectueux des spécificités de chacun, mais bien au profit d’un pouvoir de proximité qui ne concédera à plus large que lui, que ce qui est indispensable pour le bien commun.

Nous voulons rendre le pouvoir à chaque citoyen par la proximité du pouvoir public.

Nous voulons reconstruire la Belgique et l’Europe sur l’autonomie du Beffroi.

Pascal de Roubaix.

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18 commentaires à propos de “Le bon mondialisme est celui de la… Proximité.”

  • Stephane Czarnocki

    Dans les commentaires des 2 camps aux élections françaises je n’ai entendu que “La France”, “Pour la France”, “une victoire pour la France”. Le silence sur l’Europe était assourdissant. Or sans l’Europe, la France ne serait pas grand-chose.
    C’est là le danger de la subsidiarité. Que les dirigeants d’une entité, ici la nation, ne s’attribuent tous les aspects positif de l’Europe, et rejettent sur l’Europe tous les aspects impopulaires.

    It is “la croissance” stupid ! ..personne n’y avait pensé évidemment, sauf la gauche française. Le problème c’est que seule l’Europe peut la financer cette croissance.

  • Stéphane de Maere d'Aertrycke

    Fervent lecteur des chroniques du Beffroi depuis de nombreuses années, quand elles paraissaient dans le Courrier de la Bourse, je les lis toujours avec grand intérêt et plaisir, et je remercie vivement l’auteur du temps consacré à leur rédaction et de faire partager ses pensées à l’élite de la Nation, par définition et malheureusement minoritaire, à savoir les abonnés au Beffroi. Il m’a plu reconnaître parmi ceux-ci quelques parents…
    A ceux des lecteurs du Beffroi qui souhaiteraient trouver d’autres saines lectures, je ne peux que leur recommander le bimensuel français “L’Homme Nouveau”, sans doute le dernier journal à avoir conservé son âme, et ardent défenseur de notre civilisation chrétienne. (Publicité non rétribuée!)
    Stéphane de Maere d’Aertrycke

  • RM Dumont

    Merci à vous,

    Oui, c’est avec intérêt que je vous lis,
    Enfin un peu d’oxygène pour nos esprit suffocant sous le poids de nos politiciens.
    A défaut d’être concrétisées, vos idées peuvent en faire naître chez eux s’ils vous consultent, ce que je crains.
    Grosso modo je vous suis dans vos éditoriaux

  • Viviane Swenden

    C’est avec le plus grand plaisir que je lis votre courrier du Beffroi.Vos articles
    sont passionnants ,vos points de vue originaux et vos études bien documentées.Ils développent une excellente base de discussion en famille
    ou de débats entre amis.
    Avec tous mes remerciements et l’ expression de ma plus vive considération

    Viviane Swenden

    Anvers,le 3 mai

  • Guy t'SERSTEVENS

    Souvant d’accord avec vos réflections et vos prises de positions. Ni trop à droite, ni trop à gauche vos analyses sont souvant pertinantes (ni idéalistes ni démagogue) dans la mesure ou vous êtes au dessus de la particratie qui aveugle ceux qui deraient nous gouverner.

  • Vincent PEREMANS

    Contrairement à d’autres, je suis un fervent partisan de la particratie car je pense que la politique n’est pas une question de personnes individuelles mais une question de philosophie politique: je suis pour retour de l’idéologie en politique. Or, l’ideologie ne peut se construire que dans les débats internes d’un parti et pas dans les discussions gestionnaires des gouvernements et des parlements.

    La lecture des “lettres” est donc utile a la construction idéologique, même si, à titre, personnel, je ne suis pas toujours d’accord avec les analyses.

    Une petite remarque à l’amiral Thibaut: on revient souvent sur la “gauchisation” du cdH par madame Milquet. Pourtant les ministres qu’elle a eu l’occasion de désigner sont tous plutôt de droite: Wathelet jr, Simonet, Antoine, Lutgen, Cerexhe, Fonck.

    Vincent PEREMANS

  • Didier Gevers

    Merci Pascal pour toutes tes chroniques que je lis en général avec grand intérêt !

    Je suis bien d’accord avec l’Amiral de Maisières : le problème de la particratie en Belgique est catastrophique… mais comment demander aux présidents de parti de voter des lois contre leur propre pouvoir ???

    J’observe régulièrement les Suisses avec envie : pouvoir très décentralisé, diversité de cultures et de langues, et pouvoir réel du peuple grâce aux votations qui ont lieu 4 fois par an ! Cela guide les politiques, les surveille, tout en obligeant le peuple a être responsable de ses décisions : ils ont refusé à plusieurs reprises d’augmenter le nombre de congé payé, ce serait trop mauvais pour leur compétitivité… que donnerait ce genre de votation en Belgique ?

    Amitiés,

  • Eric de Burbure de Wesembeek

    Merci Pascal pour les billets du beffroi.
    Le problème reste toujours le même entre les propositions justifiés et la mise en pratique, ce n’est plus un fossé c’est un ravin qui devient de plus en plus large et profonds. Il faudrait un tsunami planétaire (comprenez une prise de conscience collective planétaire en commençant localement) Mais par le fait que les esprits sont tellement dispersés et en désaccord sur le bien et le mal, sur ce qu’est le vrai bien commun, etc…qu’il faudrait vraiment un miracle pour mettre une majorité de responsables politiques sur la bonne longueur d’onde. Et c’est là la seule chose que je puisse faire pour le moment à mon niveau, c’est de prier et faire prier les autres pour que cela change dans le bon sens.
    Amitiés
    Eric de Burbure de Wesembeek

  • Michel Maroy

    Un contrat de lecteur est indispensable avec votre lecteur, bonne initiative , donc;

    Je suis souvent en désaccord avec les points de vue exprimés , mais remué par l’analyse et le point de vue du chroniqueur.

  • Charles Thibaut de Maisières

    Une des personnes qui vous répond se pose la question “comment repérer les hommes de bonne volonté et pouvoir voter pour eux ?”.
    En réalité, il y a des hommes et des femmes de bonne volonté, et désireux de servir leurs concitoyens, dans tous les partis. Malheureusement, cela ne sert à rien de les repérer et de voter pour eux. S’ils sont en ordre utile sur la liste électorale de leur parti, c’est en fait qu’ils ont fait allégeance à leur parti, et en particulier leur président de parti. Ils ne pourront donc que suivre aveuglément les ordres de leur président (sinon, ils ne seront plus jamais sur les listes).
    Le mal dans notre pays, c’est le système particratique qui donne un pouvoir démesuré au président et aux quelques personnes de sa “garde rapprochée”. Les autres n’ont rien à dire, et ne peuvent que suivre les ordres. C’est cela qu’il faut changer: le système des votes se reportant sur ceux qui sont dans les têtes de liste, et le pouvoir discrétionnaire des présidents de parti. Regardons ce que Mme Milquet à fait du PSC: un parti de gauche et sans plus de références à la religion, alors que la grande majorité des électeurs du PSC étaient des croyants, avec des idées de centre ou centre-droit.
    Tant que la particratie règnera en Belgique, nous irons vers un déficit croissant de démocratie.
    Merci au Beffroi de mener ce combat, mais le chemin est encore long !

    Amitiés,

    Amiral (e.r.) Thibaut de Maisières

  • marie daniele thiriar

    Merci pour toutes ces remarques si intéressantes, puissent-elles servir
    a reconstruire cette Belgique que nous aimons tous.

  • Pierre Kotschoubey

    N’y a-t-il pas confusion? La mondialisation (telle que décrite dans Le Beffroi) n’est pas contestable, et n’est pas mauvaise. Mais le mondialisme? Bien sûr, il faudrait s’entendre sur le sens à donner à ce dernier mot. Si l’on accepte qu’il s’agit de l’idéologie qui consiste à privilégier :
    1) une économie totalement “libéralisée”, ouverte, sans frein ni barrière à la concurrence d’où qu’elle vienne, plutôt que de maintenir des économies nationales ou inter-régionales équilibrées, vivantes ou survivantes;
    2) la création à terme d’un pouvoir politique mondial fort qui, précisément, favorise et favorisera cette économie “mondiale” (point 1 ci-dessus),
    et si l’on accepte que cette idéologie existe, est en marche, alors, désolé, non au mondialisme, dont les dégâts sont déja significatifs, et deviendront incommensurables pour toute une série de populations, de peuples, et pour le profit d’un petit nombre (de peuples ou de personnes ou de gigantesques corporations).
    Deux tout petits exemples :
    a) en Afrique centrale (je l’ai vu, j’y ai habité 40 ans), on trouve dans les supermarchés du beurre de Nouvelle Zélande, meilleur marché que le (très bon) beurre produit par le malheureux paysan local dont la ferme est à 10km
    b) la commune de Forest a repavé les trottoirs de l’avenue Molière avec des pavés importés de Chine communiste, moins chers que notre bonne vieille pierre de Soignies, à 45km.
    Et il y a bien sûr des centaines d’autres exemples de ce type.
    Qui veut de ce mondialisme-là? Il y en a qui le veulent, qui y oeuvrent, ils sont très, très puissants.
    Ne faut-il pas craindre, et même combattre ce mondialisme?

    avec sympathie (pour Le Beffroi)

    Pierre Kotschoubey

  • de Dorlodot jean pierre

    Merci pour le courrier qui nous permet de réfléchir et de comprendre…
    Avec tous mes encouragements

  • Serge de Faestraets

    Merci pour cet envoi, que je lis le plus souvent avec intérêt.

    Je suis plus souvent sensiblement “pas d’accord” que “d’accord” avec les positions exprimées, mais je ne vois pas pourquoi je ne lirais pas “nettement plus à droite que moi” puisque je lis aussi “nettement plus à gauche” (on s’épargnera les grandes explications sur le concept même de gauche et de droite).

    Et d’autant plus que c’est bien formulé, et a priori semble exempt des formules haineuses qu’on retrouve si souvent “à droite”, hélas, dès que l’on sort du “politiquement correct”. Il suffit de lire le courrier des lecteurs électronique de La Libre et son concert de “à bon entendeur…” imbéciles pour s’en persuader (“Libre” qui n’en peut rien, d’ailleurs).

    Certains diront sûrement que vos positions sont “plus insidieuses”, donc “plus dangereuses”, mais à ce compte on nous dirait vite ce qu’on peut et ne peut pas lire (d’ailleurs “on” essaie !). Ce dont il n’est évidemment absolument pas question en ce qui me concerne.

    Merci donc de continuer à m’envoyer votre courrier. Si vous jugiez bon (???) de me citer, merci aussi de ne le faire qu’intégralement.

    S. de Foestraets

  • de CODT Thierry

    Merci pour le bulletin du Beffroi que nous lisons toujours avec grand plaisir, …. au fin fonds des Ardennes belges. Heureusement, Internet fait des miracles…..

    Bien à vous,

    Thierry de CODT

  • Cécile de Merode

    Pour ce faire, comment repérer les hommes de bonne volonté
    et pouvoir voter pour eux. Et la bonne volonté ne suffit pas,
    il faut du temps, des moyens et les capacités. De nos jours, le
    temps et les moyens diminuent et ceux qui se lancent dans
    la politique doivent aussi gagner leur vie et toutes les X années
    tout est remis en cause pour eux et donc leurs familles…
    Il n’y a plus ni bien commun ni valeurs communes à respecter et à faire respecter. C’est les soit disant élus de la nation et en Belgique toujours la même clique qui s’entendent entre partis pour déterminer et le bien commun et les valeurs communes et font voter les lois.
    Le bien d’autrefois est devenu le mal et inversement. En résumé
    il n’y a plus de repères et on se laisse faire comme des moutons
    sans même en avoir conscience, complètement intoxiqués que nous
    sommes par la pensée unique de laquelle on ne peut déroger.
    Grand merci au Beffroi de nous donner un autre son de cloche mais
    dans la pratique démocratique, face au relativisme ambiant qui a véritablement le pouvoir d’inverser la donne ????

    En conclusion, je lis avec intérêt les commentaires du Beffroi.

    Avec mon amical souvenir,

    Cécile de Merode

  • D; de Failly

    On l’aime ou on ne l’aime pas (Sarko). Peu m’importe, mais il a dit ici et là quelques vérités à propos de l’Europe. Concernant les frontières: voyageabnt beaucoup enre 1990 et 2000. Je trouvais que l’Europe était un patchwork infernale avec chacun sa monnaie. J’ai applaudis lors de l’ouverture des frontières. Aujouerd’hui j’observe tous les abus et un repli des groupes, des communautés, des quartiers selon les cultures, les us et coutumes de chacun. En enlevant les frontières nationales, on a construit des frontières intérieures par sentiment de peur et d’insécurité de perte d’identité. Ce n’est pas tellement une question de souveraineté mais plutot d’IDENTITE. Or, autant nous tenons à nos identités, on n’apprécie pas trop celle des autres. Problème! Comment arranger cela ? Il y a dans la gestion de l’Europe trop de bureaucrates théoriciens et idéalistes du type soixante-huitard. Il faut les virer. Cette Europe laxiste, informe, sans vertèbre me répugne et m’inquiète
    Bien à vous .
    D. de Failly

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