
Je viens d’apprendre le décès de Robert Hendrick.
Il y a trente-sept ans, j’avais rencontré à Ixelles, dans un bureau au-dessus de son bistrot, un curieux personnage qui voulait changer la politique. Quelques jours après notre première rencontre, il m’invitait à une réunion de son tout nouveau parti alerté par les hésitations du gouvernement Tindemans. Ce fut le début d’une collaboration de tous les jours qui dura une douzaine d’années et se transforma en une amitié profonde et pleine d’humour, faite de confiance, de gratitude et d’admiration réciproque.
Ce fut sans aucun doute le soutien inconditionnel de Victor Pauwels, le pape des milieux indépendants de l’époque, et les 70.000 abonnés à « la défense sociale » qui, en pariant sur son énergie naturelle et sur un charisme incontestable, lui permirent d’être élu député six mois à peine après la création de l’UDRT.
Après cet exploit assez unique dans les annales de la politique belge, ce furent près de sept années de combat de tous les jours qui vit ce petit parti attaquer tous les sujets auxquels, aujourd’hui encore se heurte avec impuissance la classe politique qui ricanait de lui à l’époque. Doué d’un talent de tribun naturel, d’une énergie communicative et d’un don d’organisateur exceptionnel, Robert Hendrick s’assura la collaboration militante d’un grand nombre de compétences qui fit en quelques mois, de ce groupuscule, une redoutable machine politique. Et ce fut sans doute cette force, armée de trop de franchise, qui fut sa perte. L’UDRT s’aliéna progressivement toutes les composantes de la particratie naissante et son Président refusant toute compromission, dut faire face aux attaques les plus basses. Après 1985 nous n’avons plus réussi à confirmer les percées des premières années et Robert Hendrick finit par renoncer à la politique en 1991.
C’est tout naturellement que le jeune député honoraire se mua alors en patron de PME. Il mena jusqu’il y a peu, cette deuxième carrière avec tout autant de brio et d’humanité que la première.
Depuis quelques années nos échanges avaient pris de la profondeur et le tribun véhément s’était mué en un philosophe chrétien d’une humanité souriante mais plus lucide que jamais, toujours généreux, toujours passionné et engagé toujours.
Il vivait à Dion dans un modeste petit paradis, entouré de ses chiens, ses moutons, ses oiseaux et ses chevaux et soutenu par l’amour discret et farouche de son épouse Pascale que j’embrasse ici de tout cœur.
Robert Hendrick est entré la nuit dernière dans la plénitude de cette lumière qu’il a tant cherchée et dont ses yeux pétillaient déjà de son vivant. Il me parait impensable que de là-haut, il ne nous en fasse pas un peu profiter.
Pascal de Roubaix
Je retombe aujourd’hui sur le texte de mon intervention lors de sa messe d’enterrement ! Et je le reproduis ici pour ne pas le perdre.
A ROBERT HENDRICK le 27 AVRIL 2015
« Cher Monsieur Hendrick » !
Nous ne nous sommes jamais tutoyés, « cher Monsieur Hendrick » !
Une bonne douzaine d’années de collaboration journalière (et même souvent nocturne) a transformé petit à petit, entre nous, la distance des premiers jours en une amitié profonde, mais une amitié faite d’un tel respect mutuel que nous ne sommes jamais passés au tutoiement. Pourtant, Dieu sait si le tutoiement régnait dans la chaude ambiance de militantisme que, mieux que quiconque, vous aviez l’art d’entretenir autour de vous. Puis, les années passant, le « vous » est devenu notre complicité, comme un clin d’œil fidèle que nous nous faisions mutuellement et qui disait année après année : « quelle belle aventure tout de même, d’avoir tant sacrifié à cette fichue politique ! »
Si je puis emprunter aujourd’hui un peu de votre franc-parler légendaire qui ne vous aura pas fait que des amis, je dirais : Cher Monsieur Hendrick, vous aviez un caractère de cochon. Mais les amis, les vrais, eux, vous pardonnaient la dureté de votre ton et l’impatience de vos ordres. Ils savaient que cela ne dissimulait que fort mal une angoisse de chaque instant et la crainte permanente de l’erreur à ne pas commettre dans ce monde sans pitié que, Don Quichotte novice, vous vouliez révolutionner avec nous. En réalité le fort en gueule que vous étiez (personne ne songerait à le contester !) était doté d’un tel cœur et d’une telle honnêteté, dans ses propos comme dans sa vie, que ses hausses de ton ne risquaient finalement de froisser que ceux qui ne se sentaient pas tout à fait droits dans leurs bottes. Travailler avec vous n’était donc pas toujours de tout repos, mais comme vous m’aviez offert dans un jour de bonté, un chiot de votre brave et fidèle chienne Roxane, je l’ai appelé « Bob » en votre honneur, et je ne me suis pas privé de le dresser, avec une sévérité particulièrement jouissive.
Les réunions de l’UDRT, au début des années 80, étaient de véritables initiations au tabagisme. Le nuage bleu nous enveloppait souvent, comme les joueurs de poker des aventures de Lucky Luke. Or un soir, en écrasant dans le cendrier l’ultime cigarette de votre second paquet journalier, vous nous avez annoncé que c’était la dernière. Ce soir-là, il n’y avait que vous pour y croire, mais nous n’avions pas encore compris que quand Robert Hendrick se lançait un défi, il allait jusqu’au bout, coûte que coûte. On ne vous a plus jamais vu une cigarette aux lèvres, et malgré l’apparition d’un certain embonpoint, malgré l’abaissement critique de votre seuil d’énervement, nos réunions ont perdu, du jour au lendemain, leur caractère hautement cancérigène.
Comme nous ne sommes pas dans un meeting face à vos chers militants, (même si vous adoriez ces moments-là), je ne vais pas dresser ici, le bilan complet de votre action politique. Je vais simplement signaler deux points qui, je pense, peuvent justifier beaucoup de vos efforts. De nombreux observateurs bien intentionnés nous ont répété, en guise de lot de consolation, que notre erreur fut d’avoir souvent raison trop tôt. Et il est vrai que les circonstances nous ont permis de vérifier ça, gouvernement après gouvernement. Mais je pense cependant que vous pouvez mettre sans hésiter deux plumes assez prestigieuses à votre casquette :
D’une part, vous avez réussi à faire entrer dans le langage politique le principe de l’abus de fiscalité. Abus dont on ne prononçait pas le nom, avant l’UDRT, mais dont les excès tuent pourtant toute vitalité économique. Même s’il n’est toujours pas vraiment suivi d’effets, le principe, au moins, semble irréversiblement adopté.
D’autre part, votre attitude déterminée face à la corruption politique a coïncidé avec une certaine prise de conscience qui a, au moins en surface, culpabilisé toute la classe politique et les médias au point de voir beaucoup de responsables poursuivis et condamnés pour des faits que les générations précédentes refusaient de voir. Cette ligne-là aussi a bougé grâce à vous.
Mais nous ne sommes pas ici pour convaincre ni surtout pour polémiquer, nous sommes ici pour vous rendre hommage, pour rendre hommage à un homme qui a mené un combat politique important, avec courage, intelligence, sincérité et droiture, et en total désintéressement . C’est tellement rare que ça mérite tous les éloges.
Je ne puis cependant terminer ce mot sans évoquer ces dernières années, et surtout nos conversations et réflexions de pensionnés en manque de terrain. J’ai vu, à mon plus grand plaisir, celui dont le profil d’homme d’action était, disons, taillé à la machette, se muer progressivement en un penseur, concentrant toute sa réflexion sur la recherche des recettes du bien commun, dévorant articles, livres et encycliques et se passionnant pour approfondir et mettre en concordance la doctrine sociale de l’Eglise avec ce que vous avez appelé vous-même votre « utopie libérale ».
Maintenant que vous êtes entré dans la lumière infinie et la perfection de l’amour, que vous avez tant cherchées, ma seule crainte est que, ne trouvant plus rien à améliorer là-haut, aucun changement à proposer dans l’organisation céleste, pas un seul amendement à déposer au règlement du paradis, vous ne puissiez vous empêcher de revenir vous occuper de nous en nous culpabilisant dès que nous ferons mine de vouloir nous reposer sur nos trop maigres lauriers.
Ceci dit, je dois être honnête jusqu’au bout et j’avoue que cette crainte est en réalité un secret espoir. Je voudrais en effet prier Dieu pour que votre bonté, votre générosité et surtout votre force, restent toujours vivantes, tout spécialement dans le cœur de Pascale, et des vôtres que vous avez quittés trop brusquement, et dans nos cœurs à tous, qui en ont encore tant besoin.
Sybille le Hodey
Merci cher Pascal de ton bel hommage à Robert Hendrick,
Dominique, mon époux était à l UDRT et fier d y être, c était un programme politique très intéressant, équilibré, plein d espérance et très droit comme l’était Robert. Il était un grand visionnaire.
Je pense à son épouse et sa famille.
Jean-Michel HENDRICK
Merci pour ce très bel hommage à mon papa.
La période politique que vous évoquez me rappelle la grande époque du collage des affiches de l’UDRT avec notamment Roger Simon!
Merci à tous pour vos nombreux messages de soutien.
Philippe Annez
Cher Pascal
Oui Robert Hendrick était un type bien. Je dois encore avoir son bouquin quelque part ! Je me demande toujours pourquoi le bon sens, le bon discernement, la déontologie sont tellement peu porteur de voix en politique !
Amitié
Philippe Annez
Sandrine Goemans
Votre hommage à Robert est magnifique et tellement vrai … J’espère que Pascale et ses enfants en prendront connaissance et cela rappelle tellement de souvenirs de cette époque magnifique du début de “l’aventure” UDRT !!!!!
Sandrine Goemans
Robert Steuckers
Je transmets à toute la famille de Robert Hendrick mes sincères condoléances, aussi en souvenir de Jean van der Taelen, décédé en janvier 1996, qui avait vu en lui un rénovateur pertinent de la démocratie belge.
Robert Steuckers, 22 avril 2015.
Alain Kestemont
J’avais perdu le contact avec notre président Robert Hendrick depuis la fin de l’UDRT, comme avec beaucoup de nos anciens militants.
Je suis vraiment ému d’apprendre le décès de celui qui avait été notre mentor à tous. Que de bons moments passés à l’UDRT! Mes premières années en politique … Que de souvenirs de la rue Lambermont : les mises sous enveloppe dans un cllmat familial que je n’ai jamais connu ailleurs et des combats d’avant-garde sous la férule d’un très grand Monsieur qui avait eu le tort d’avoir raison sur beaucoup de choses avant tout le monde!
Je ne pourrai pas être aux funérailles lundi mais je serai de tout coeur avec tous ceux qui seront là et j’aurai une grande pensée pour celui qui fut notre Président durant tant d’années, avec autant de courage que d’honnêteté et de détermination!
C’est un grand Monsieur qui s’en va! Qu’il trouve le repos qu’il a bien mérité par son combat juste et humain!
Jean Vanstichel
C’est avec une certaine émotion que j’apprends la mort de notre Président de l’U.D.R.T Robert Hendrick.
Il fut celui qui m’incita à revoir ma position sur la politique et finalement celui qui m’a convaincu de rejoindre l’équipe de Mischael Modrikamen.
R.I.P Robert et merci pour ton dévouement à l’égard du citoyen !
Xavier Muller
Merci beaucoup pour ce très bel hommage, cher Pascal.
C’est avec grande tristesse aussi que j’apprends le départ de Robert.
L’ayant connu plus tardivement que toi, il me laisse surtout le souvenir d’un homme profondément bon, juste, droit, humble. Un homme de conviction et d’engagement qui dans les derniers mois de sa vie, alors que la plupart aspirent au repos, envisageait encore de se lancer dans de nouveaux projets pour continuer à œuvrer à la construction d’un monde meilleur. C’était aussi un homme de foi, un chrétien sans arrogance en même temps que sans complexes. Il nous faisait grandir.
Amicalement,
X. Muller
Hugo de Schepper
Sincères condoléances.
Hugo de Schepper
Paul de Brouwer
Ce sont, en effet, les partis de “droite ” qui l’ont critiqué sans cesse et d’une façon virulente, tellement ils étaient inquiets de la montée de son parti.
C’était un type vraiment ” Bien “!
Roger Simon
On vient de m’annoncer le décès de Robert Hendrick.
C’est en répondant à une lettre publiée dans “la défense sociale” que j’ai fait sa connaissance en octobre 1977. Il me demanda de venir assister à une réunion à laquelle j’ai répondu favorablement. Ils étaient à TROIS ! Après son exposé il m’a convaincu de me joindre à eux. C’est ainsi que les premières bases furent élaborées de ce qui allait devenir en mai 1978 l’UDRT(union démocratique pour le respect du travail) Six mois après il était élu premier député UDRT.
Robert Hendrick était un tribun mais aussi un homme sincère et honnête . Je présente mes condoléances à Pascale et à ses enfants.
Baudouin Peeters
Très bel hommage Pascal d’un homme de bon sens qui partageait nos idées
Merci
Amitiés
Baudouin Peeters
baude.peeters@gmail.com
M. Goffiney
Merci de ce beau message de condoléances . Et toute ma profonde sympathie à sa famille et ses amis fidèles . Qui Dieu nous donne encore des hommes et des femmes aussi exemplaires . Avec mon souvenir bien attristé . M. Goffinet.
Pierre GOSET
A vous qui avez connu Robert, reconnaissez que son message politique est toujours d’actualité. Pour moi, les années ont passés et je pense que c’est à la génération montante de prendre les rênes.
Robert, Entre dans l’espérance.
A sa famille, à ses amis, meilleurs soutiens.
D'Huyvetter Joseph
bel éloge et courage à la famille
Patrick de Cooman
Bel éloge amical, comme tu en as le secret, Pascal.